Rendez-vous à 12h30 ou 20h00 pour deux concerts du Trio Chausson accompagné par M. Vioque-Judde.
Matthieu Handtschoewercker, violon
Antoine Landowski, violoncelle
Boris de Larochelambert, piano
Manuel Vioque-Judde, alto
Au programme le quatuor avec piano n°1 opus 25 de Johannes Brahms (Allemagne, 1833-1897) composé en 1861
I. Allegro
II. Intermezzo. Allegro ma non troppo -
Trio - Animato
III. Andante con moto
IV. Rondo alla Zingarese - Presto
Les Trois Saisons de la Plaine font leur rentrée avec un concert cordes et piano consacré à la musique du romantique Johannes Brahms. Lorsqu'il écrit le quatuor que nous allons écouter, le jeune homme occupe le poste de chef de chœur et de professeur à la cour des princes de Lippe à Detmold, en Allemagne. Il a déjà composé des partitions majeures pour le piano et mené des tournées de concert avec un ami violoniste, spécialiste de musique tzigane, Edouard Reményi. A bientôt vingt-huit ans, il est auréolé d'une reconnaissance qu'il doit en partie à Robert Schumann, son aîné et mentor. Dans un article publié quelques années auparavant, ce dernier avait en effet loué le génie de notre compositeur en ces termes: «Il est arrivé, cet homme au sang jeune, autour du berceau de qui les Grâces et les Héros ont veillé. Il a pour nom Johannes Brahms. […] À peine assis au piano, il commença à nous découvrir de merveilleux pays. Il nous entraîna dans des régions de plus en plus enchantées. Son jeu, en outre, est absolument génial: il transforme le piano en un orchestre aux voix tour à tour exultantes et gémissantes.» Johannes est accueilli chez les Schumann en artiste et en ami. Après le décès de Robert, il poursuit une amitié musicale intime avec sa veuve, la grande pianiste Clara Schumann. C'est d'ailleurs elle qui tient la partie de piano, la première fois que ce Quatuor est donné en concert, à Hambourg, en 1861.
Dans cette œuvre, notre pianiste du jour, Boris de Larochelambert, perçoit: «un mélange de tradition savante, de magie, de mystère, et d’esprit populaire». Brahms choisit une formation instrumentale rare: l'association du piano et d’un trio à cordes. Mozart et Schumann s’y étaient essayés avant lui, et l’on trouvera dans son abondante production de musique de chambre deux autres «quatuors avec piano».
Le compositeur y révèle son goût pour une écriture à plusieurs voix, pour l’ambiguïté des rythmes et des harmonies. Dans le premier mouvement, on entend ainsi les instruments se répondre et s’échanger des mélodies. Dans l’Intermezzo, c'est comme s’ils se couraient après. Le troisième mouvement réserve une sorte de chant à quatre, avant la surprise d’une marche héroïque au piano, accompagnée par l’archet rebondissant des instruments. Le clou du concert nous attend dans le Finale alla Zingarese («à la tsigane») d'une vitalité débridée.
Avez-vous un passage favori dans le Quatuor avec piano n°1 que vous allez interpréter?
Le dernier mouvement avec sa mélodie initiale alla zingarese (à la hongroise, à la tzigane), qui revient encore plus rapide à la fin. Jubilatoire. La musique de Brahms, il faut aller la chercher. Quand on l’écoute plusieurs fois, on se rend compte du génie de l’écriture. Tandis que ce dernier mouvement est immédiatement accessible.
Vous êtes aussi premier violon solo à l'Orchestre national des Pays de la Loire. Par rapport à cette pratique, que vous apporte celle de la musique de chambre au sein du Trio Chausson dont vous faites partie depuis sept ans?
Quand on est quarante violonistes dans un orchestre, on a tendance à suivre uniquement sa partition, à regarder le chef et être moins attentif à ce qu’il se passe autour. Quand on est quatre ou trois, on est obligé de s’intéresser à ce que jouent les partenaires, à regarder leur partition avant les répétitions. Ainsi, l’on a une vision globale de l’œuvre, au delà de notre seule partie d’orchestre. La musique de chambre éduque l’écoute. Elle oblige à avoir conscience des autres, de ce qu’il se passe autour. De plus, à l’orchestre, il faut se fondre dans un collectif, on n’est pas le seul à jouer sa partie. Au sein du trio, l’homogénéité du son est importante mais je suis le seul à jouer la partir de violon.
Comment avez-vous travaillé cette œuvre de Brahms?
Nous avons tous les quatre déjà joué cette œuvre dans notre carrière. Avant la première répétition, chacun travaille sa partition afin d’être prêt, comme si le concert était le soir-même. Nous commençons par jouer entièrement le quatuor (on dit « lire »). Puis sur certaines phrases, nous allons ajuster la façon de mener le tempo, de conduire le son, d’amplifier les crescendos ou les pianissimos. La toute première mélodie du morceau, par exemple, est jouée par les quatre instruments unis, puis reprise successivement par le violon et l’alto. Nous nous sommes demandé: est-ce qu’on veut faire chanter ce thème, prendre du temps dessus ou en faire quelque chose d’assez simple? Le mener dans un seul souffle ou bien phrase par phrase pour faire ressortir les instruments? Nous nous servons de ce qui est écrit sur la partition pour faire des choix ensemble.
Qu’est-ce qui est caractéristique du langage de Johannes Brahms dans cette œuvre?
Ce qui est le plus présent, selon moi, c’est la juxtaposition de rythmes à deux temps et à trois temps, comme si Brahms tirait le temps. Il emploie ce procédé dans ses symphonies, dans sa musique pour piano.
Entretien avec Matthieu Handtschoewercker, propos recueillis par Camille Villanove en septembre 2025
Pour aller plus loin, le Trio Chausson vous recommande d’écouter
💿 L’album La Bohême de l’Ensemble Roby Lakatos, Deutsch Grammophon, 1998.
★ Brahms Danse hongroise n° 5 pour piano à quatre mains ou pour orchestre.
★ La version pour orchestre et celle pour piano à quatre mains de ce Quatuor op. 25.
★ Brahms quatuor avec piano n° 3, 3e mouvement.
★ Liszt Rhapsodies hongroises pour piano.
★ Brahms Danse hongroise n° 5 pour piano à quatre mains ou pour orchestre.